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Sex, drugs and musique pré-romantique
11 septembre 2013

Ich bin ein kartoffel, ou l'aventure viennoise

Petits chats de tous horizons, aujourd'hui est un grand jour. Aujourd'hui, après quelques mois d'innactivité, j'ai décidé de célébrer ma nouvelle vie en recommençant à vous barber avec des explications foireuses sur un domaine que je maîtrise légèrement moins mal que les autres. 

Nouvelle vie? Mais pourquoitestcequedonc, me direz vous? Il se trouve qu'à la suite de magouilles avec mon directeur de mémoire, j'ai, tout à fait contre mon gré, dû arrêter d'être la personne qui décrète vingt-huit fois par an qu'elle va partir vivre loin, très loin, et ne revenir jamais (RÉFÉRENCE), pour finalement rester années après années dans le même appartement, entourée des mêmes (mais néanmoins fantastiques) personnes, ressassant les mêmes problèmes. Parce qu'un jour, à la suite d'une conférence donnée dans notre charmant petit institut d'une contrée perdue de Lorraine, j'ai appris que, que je le veuille ou non, je partirai faire ma deuxième année de Master en Erasmus à Vienne. Panique dans mon cerveau : effectivement, je ne parle pas allemand, alors avec l'accent autrichien, imaginez, de plus, j'étais à l'époque engluée dans une passivité qui n'avait pour égale que celle de la loutre dépressive, ce qui correspondait mal avec l'image d'étudiante dynamique, brillante et sûre d'elle que ce même fabuleux directeur me donnait (et accessoirement, il me restait un mémoire à écrire et une année à valider, ce qui a probablement été la tâche la plus ardue). 

Et me voilà, quelques mois plus tard, à écrire depuis une rue perpendiculaire à la plus grande rue commerçante de Vienne, dans mon charmant appartement provisoire que j'occupe depuis quasiment trois semaines. Pour être tout à fait honnête, je ne parle toujours pas allemand. Enfin, si, mais pas l'allemand utile: par exemple, grâce à Heinrich Schütz, je peux dire "Kreuzige ihn" ("crucifiez-le"), mon chéri Schubert m'a appris à parler de mes futures dépressions ("Le repos m'a fui, mon coeur est lourd", merci Gretchen), et Wagner me permettra de liebestoder avec classe en toute circonstance. Je peux aussi insulter dans un dialecte bien moche et un peu raper. Autant de compétances qui me permettront d'obtenir haut la main mon diplôme (non).

Bien sur, il faudra qu'un jour je m'active, vu que de perfides vilains veulent me faire écrire un mémoire de 150 pages en allemand pour la fin de l'année, sans compter les divers devoirs qui viendront égayer mon année. Mais peu importe, je suis là. Là où il y a des opéras, concerts et pièces de théâtre tous les soirs sans exception. Là où les places debout coûtent trois euros - ceci dit, j'ai pris soin de me ruiner pour avoir une place assise pour Tristan und Isolde, je suis pas non plus un garde anglais, bien que j'envisage de leur voler un chapeau, les hivers étant froids dans ma nouvelle patrie. Là où ils proposent un cours nommée "Born this way!" traitant apparemment des queer/travestis/homosexuels représentés à la scène depuis la moitié du XIXème siècle. Là où les pizzas me tendent leurs bras graisseux lorsque je rentre dans un état tertiaire après avoir bu de la bière à un prix tout à fait ridicule. Là où des types avec un masque de cheval jouent du Bach dans la rue pour acheter une bague de fiançailles. 

En somme, cette ville est tellement merveilleuse que je veux l'emmener derrière l'église pour la mettre enceinte. Voilà, c'est dit. 

Maintenant, parlons peu, parlons bien, parlons culture. Il y avait un festival de films quand je suis arrivée, et il se trouve qu'ils ont majoritairement passé des opéras (ce qui m'a permis de fondre en larme comme une bécasse à la fin des Masnadieri de Verdi, en version intégrale ici) (et pendant les trois quarts de la Bohême, aussi) (et à la fin de la Traviata même si je l'ai vu 15 fois) (et à la fin du Crépuscule des Dieux) (je vous emmerde). Ce qui m'a permis de découvrir un concept que j'applaudis des mains, des pieds, des oreilles et de tout le reste. En 2008, il s'est passé ça (un article en anglais) : en gros, l'opéra de Zurich s'est transporté sur ses petites pattes à la gare de Zurich pour une représentation de La Traviata. Là où ça devient intéressant, c'est que ce soir là, le trafic était normal : les gens pouvaient donc choper 5 minutes de Traviata avant de courir prendre leur train - on en voit d'ailleurs passer une paire sur la vidéo, et certaines réactions sont très, très drôles. Bien évidemment, ils sont tous équipés de micros/casques, ce qui complique légèrement le boulot, mais le rendu était étonnement bon. Évidemment, c'était différent pour les gens présents à la représentation, qui à moins de suivre en courant tous les protagonistes avaient peu de chances de pouvoir avoir l'opéra entier; mais l'un des points que je trouve intéressant, c'est que cette performance visait essentiellement la télévision, puisqu'il était retransmis en direct. C'était donc vraiment l'opéra qui venait chercher les gens, autant dans un lieu public que chez eux. Apparemment, la tendance vient, surprise, des États-Unis. Et voir le succès que ça a eu me donne envie de secouer tous les européens d'Europe pour qu'ils prennent ce genre d'initiatives. Un petit extrait

D'ailleurs, ils l'ont refait. Mi-août, L'Enlèvement au Sérail a été enregistré dans un hangar de l'aéroport de Salzburg (forcément). Pour le coup, le principe était un peu différent, puisqu'ici personne ne courrait pour prendre son avion - ce qui aurait pour le coup vraiment rendu l'opération compliquée. Le public était habillé en autrichiens qui vont à l'opéra - rappellons qu'ici, c'est le contraire de la France : tu peux aller en jogging en boîte, mais à l'opéra, tu fais un effort. Ce que je trouve largement plus logique que le fait d'être obligé de porter une putain de chemise pour aller suer comme un porc sur le dancefloor. Il n'y avait donc plus la spontanéité des réactions, vu qu'ils savaient tous pourquoi ils étaient là (plus aucun illustre inconnu pour rester bêtement dans le champ de la caméra, c'est un peu triste). Mais à nouveau, la performance était plutôt dirigée vers le public assis bovinement devant sa télé, ou affalé devant l'écran géant du Rathaus (oui, j'avais profité du Spritzer à deux euros). Et le rendu était, comment dire, fantastique? Le fait de devoir mettre en scène dans un espace absolument pas conventionnel change complètement : déjà, les chanteurs ont pu s'amuser avec les avions, ils étaient contents, on était contents pour eux, c'était cool. Mais surtout, l'espace permettait d'en foutre partout - des mannequins dans tous les coins, un atelier de couture, un salon, un catwalk, etc. Festival pour les mirettes. Festival bis grâce au casting grave BG, qu'il est plus que conseillé d'aller admirer en entier ici. Surtout pour Rebecca Nelsen

Maintenant que le concept est lancé, il reste encore beaucoup de terrains à explorer. J'espère voir prochainement Médée dans le métro. Ou Dom Juan au musée d'histoire naturelle. Ou le casting de L'Enlèvement dans mon lit.

Pardon. 

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